Session #1 : Lancement de la transfo à la Métropole Européenne de Lille !
« Trop d’administration tue l’administration. Nous aussi si l’on intervenait dans notre secteur administratif, on trouverait toutes les justifications à ces procédures compliquées, longues et tordues » déclare une des ambassadeurs après deux jours de travail sur le programme AMELIO de rénovation énergétique des logements. C’est bien le principe de la TRANSFO qui vient de démarrer à la Métropole européenne de Lille : une vingtaine d’ambassadeurs provenant de tous les horizons et de tous les métiers de la Métropole de Lille qui se retrouvent tous les mois pour des sessions de travail de deux ou trois jours : différents sujets d’application afin d’expérimenter de nouveaux modes de travail inspirés de la pratique du design des politiques publiques dans l’objectif, après 12 à 18 mois, de mettre en place un labo, c’est-à-dire une dynamique d’innovation pérenne au service de la structure.
Faire en marchant
Un des principes de la TRANSFO – un processus de transformation de l’action publique – est de commencer tout de suite par la pratique et la mise en œuvre. Mercredi matin le groupe d’une vingtaine d’ambassadeur se retrouve à la CreaBox de la MEL pour rencontrer les résidents et commencer le travail ensemble. Échauffement, discussion en binôme, présentation mutuelle, les ambassadeurs font connaissance. Le choix du groupe est volontairement hétérogène. Une large palette des métiers de la MEL est représentée, toutes catégories d’agents confondues avec un respect de l’équilibre femmes-hommes.
Une carte postale à recevoir dans un an et demi
Premier exercice : se familiariser avec l’approche de la TRANSFO. Les ambassadeurs comme les résidents reçoivent une carte postale sur laquelle figurent trois questions : qu’est-ce que c’est pour vous la TRANSFO ? Qu’est-ce que vous en attendez ? De quoi avez-vous peur ? Après un temps de remplissage individuel, partage d’un florilège d’interprétations de la TRANSFO en plénière: « changer nos méthodes de travail » ; « écouter les utilisateurs » ; « prendre plaisir à travailler ensemble » ; « innover dans l’action publique » ; « sortir de son quotidien » ; etc. Les résidents postent à tour de rôle leur carte postale dans une boîte à lettres un peu particulière puisqu’elle ne distribuera le courrier que dans un an et demi afin que chacun puisse apprécier le chemin parcouru, les obstacles surmontés ou encore présents, les transformations opérées ou en cours, etc.
AMELIO, premier cas d’application
Hélène Vanelslande de la Direction Habitat et Mission stratégique Développement durable et Transition énergétique de la MEL présente en 3 diapos le programme AMELIO. 3 diapos pour un dispositif complexe et articulé entre autant d’acteurs est une gageure, comme ce le sera de restituer son intervention ici en quelques lignes. AMELIO est une nouvelle appellation ombrelle qui regroupe sous un même nom l’ensemble des services d’aide à la réhabilitation, l’amélioration, l’adaptation des logements tant pour des familles en précarité que pour des foyers à revenus moyens, des propriétaires de maisons individuelles à des immeubles de location pour une amélioration de l’efficacité énergétique mais aussi pour la rénovation de logements insalubres ou pour l’adaptation à des occupants vieillissants ou porteurs de handicaps. Et c’est là que les choses se compliquent. Si l’intention de regrouper de multiples services sous une seule appellation est louable pour en rendre l’approche plus facile aux utilisateurs elle n’en reste pas moins que derrière AMELIO se cache un dispositif extrêmement complexe, articulé et reposant sur un réseau d’acteurs multiples : conseillers info-énergie, opérateurs du programme d’intérêt général Amélioration durable de l’habitat, Maison de l’habitat durable, MEL, Agence Nationale de l’Habitat, etc.
« Mais c’est quoi exactement le problème ? » demande un des ambassadeur après une demi-heure de discussion. Et là aussi les choses ne sont pas simples : le dispositif est manifestement sous utilisé ; il n’est pas en phase avec les usagers, les délais sont parfois très long, les dossiers souvent complexes ; les parcours d’accompagnement souffrent de discontinuités ; la nouvelle marque ombrelle AMELIO recouvre la complexité du dispositif sans pour autant la rendre plus transparente ou facile d’accès…
Aller écouter les acteurs…
Pour en avoir le cœur net les ambassadeurs s’organisent pour aller écouter les acteurs intermédiaires d’AMELIO qui agissent entre la Métropole de Lille, la ANAH (l’Agence Nationale de l’Habitat) et les familles désireuses d’améliorer l’efficacité énergétique et le confort de leur logement. L’après-midi est consacrée à fourbir nos outils pour aller le lendemain enquêter sur le terrain : mise au point d’un questionnaire, organisation de cartes à réactions… l’idée est à la fois d’écouter les différents points de vue des acteurs, de mieux comprendre les contours du dispositif AMELIO mais aussi de faire sortir les différentes parties prenantes de leur zone de confort et de commencer à chercher des idées de solutions. Les ambassadeurs se familiarisent avec les outils d’investigation sur le terrain, modifient le questionnaire préparé par les résidents et composent leur jeu de cartes à réactions. Ces cartes sont une série de suggestions pour provoquer des réactions en mode projectif : « et si le service AMELIO était un service express, un service facile et clair, un service social et inclusif, un service agréable et convivial, etc. alors imaginez comment est-ce qu’il serait ? » ou en mode associatif : « Si le service AMELIO était proposé par Chronopost ou par Carglass, par Castorama ou par IKEA, par EDF ou par Green Peace, etc. imaginez comment il serait… similaire ou différent de ce qu’il est aujourd’hui ».
Intermédiaires ou usagers ?
En binôme les ambassadeurs partent sur le terrain, à la rencontre qui d’un Conseiller info-énergie, qui d’un opérateur d’accompagnement. Vers midi les premiers binômes sont de retour, enthousiastes de leur rencontre, plein d’étonnement, de suggestions …et de nouveaux problèmes à résoudre. Durant le déjeuner les discussions vont bon train. Alain Bernard, premier VP de la MEL déjeune avec les ambassadeurs pour prendre la température de la TRANSFO et partager les premiers retours. Lui aussi témoigne d’une expérience terrain: il a aidé un voisin à remplir un dossier pour la réfection de son logement mais les résultats n’ont pas été probants.
L’après-midi est consacrée à partager les retours : chaque binôme reprend ses notes pour en extraire deux points qu’ils ont confirmés, deux informations qu’ils ont apprises, deux éléments qui les ont étonnés et enfin deux idées qui les ont stimulés. Les remarques fusent dans tous les sens. Les résidents à la manœuvre pour trouver des récurrences et regrouper les idées ne sont pas au repos !
Le résultat est riche mais est-ce qu’il apporte des réponses ? Le dispositif AMELIO tels que décrit la veille pour le lancement de ce premier cas d’application s’avérait déjà complexe. Le fait d’écouter les acteurs intermédiaires, dans leurs difficultés, leurs préoccupations, leurs plus ou moins grandes facilités à naviguer au sein de la galaxie AMELIO en jouant sur les multiples facettes du dispositif tout en en évitant les écueils semble avoir permis de mieux en comprendre les arcanes, d’en esquisser la cartographie sans pour autant avoir encore trouvé des points d’amélioration autres qu’incrémentaux.
Pour conclure la journée dans un mode plus radical, les résidents distribuent des « baguettes magiques » aux ambassadeurs : chacun une baguette magique pour proposer quelque chose de vraiment différent, de faisable mais d’ambitieux comme par exemple : “un diagnostique gratuit de votre habitation offert par la MEL” ; “le cahier des charges AMELIO est écrit avec tous les acteurs” ; “le processus de réhabilitation est co-construit avec chacun des usagers plutôt que d’essayer de rentrer dans les cases” ; “une accréditation, un label des entreprises par la chambre des métiers, la préfecture pour protéger, rassurer les usagers” ; “un dossier unique que l’ensemble des acteurs (MEL, ANAH, Conseillés Info Energie, MHD) alimenteraient” ; “un interlocuteur unique : technique, social, financier, juriste, maçon, déménageur…” ; “un GPS d’AMELIO pour savoir où en est mon dossier, l’étape qui vient de passer, celle qui arrive, s’il est bloqué, pourquoi, etc. “ ; “un lâcher prise laissant des intermédiaires passionnés, impliqués et responsables a qui l’on fait confiance pour gérer des budgets rénovation à leur manière avec un seul contrôle des résultats”
Vers la prochaine session de la TRANSFO…
Le cas AMELIO est complexe, beaucoup plus que l’on aurait pu le souhaiter pour un premier cas d’application… Qu’a cela ne tienne, il est aussi passionnant et il a passionné d’emblée les ambassadeurs. Mais la question est plutôt, pourquoi n’est-il pas apparu complexe de prime abord ?
Certainement parce que nous pensions aborder le service par le point de vue de l’usager et non pas du point de vue de l’organisation du service : le fait que les ambassadeurs aient écouté les acteurs non-utilisateurs à conduit à regarder le problème comme les non-utilisateurs le regarde c’est à dire en terme de rouages de la machine et pas en terme de bénéfice utilisateurs… c’est la leçon à tirer de l’exercice ou la démonstration que l’équipe de résidents voulait faire : souvent écouter les usagers dans l’administration veut dire écouter les associations, les représentants, les fédérations, les instances intermédiaires plus faciles d’accès et censées avoir une bonne expérience des usagers… On a ici une bonne démonstration de la différence entre le point de vue des acteurs du système qui tendent à penser « système » et le fait d’écouter les bénéficiaires ultimes, qui souhaitent bénéficier du service sans avoir à en intégrer les mécanismes, à mettre le nez sous capot, faire l’inventaire des pièces du moteur pour essayer d’en comprendre le fonctionnement.
Ce sont ces usagers là, les familles ayant bénéficié d’AMELIO, en cours d’un processus de rénovation voir les non-utilisateurs que les ambassadeurs iront voir lors de la prochaine session de la TRANSFO en avril : au menu des trois journées : imagination et construction d’une série de maquettes le premier jour ; retour sur le terrain auprès des familles bénéficiaires cette fois-ci pour discuter avec elles de ces maquettes le second jour et atterrir le troisième jour sur une série de scénarios d’inspiration pour la Direction Habitat et Missions stratégique Développement durable et transition énergétique de la MEL !